L’automne peint le paysage d’une couleur d’or et de lumière, les deux adversaires sont face à face. Bien droit, le torse bombé, le sabre au clair, ils attendent.
En un instant, dans un jaillissement d’étincelles, les lames s’entrechoquent, sifflent, virevoltent et menacent les fières poitrines dénudées. Les deux hussards s’observent, se jaugent et ne se feront pas de cadeau. Ils jouent leur vie. Dans les régiments des hussards polonais de l’armée impériale du Premier Empire, rien ne compte plus que le courage et l’honneur. Le général LASSALLE n’a-t-il pas dit qu’un hussard qui n’est pas mort à trente ans est un Jean foutre ! Les Polonais le savent, et… le petit caporal n’aime pas les lâches. Ils se battront, sans rémission, jusqu’au bout.
Deux siècles plus tard, presque au même endroit… deux hussards, là encore… leurs regards se croisent et tout recommence, tout continue, la tradition est maintenue. Maître MAROTEAUX les regarde, et son étonnement est ponctué d’exclamations admiratives. Après le combat, ils montent leur sabre au-dessus de leur tête, et lentement les baissent au niveau de l’épaule. Oui les hussards rengainent comme les samouraïs. Deux peuples séparés par des milliers de kilomètres se battent de la même manière. Ils font les gestes que l’instinct du combat leur a dictés. Ces mêmes gestes… que nous enseigne notre Maître. Cet instant a suspendu le temps dans l’aventure polonaise. Pourtant que d’étonnement, que de surprises. Pour celui qui n’a jamais accompagné le Maître, toutes ces images qui se bousculent dans la mémoire témoignent de la reconnaissance des Maîtres étrangers. Elles prouvent une fois de plus si toutefois il fallait le faire, que notre école est et sera encore pour longtemps parmi les meilleures.
Devant des Maîtres réputés, venus de tous les continents, Maître MAROTEAUX a fait un cours et une démonstration. Il faut bien le reconnaître, cela fit l’admiration de toutes les personnes présentes. Que de questions, que d’interpellations, le Maître ne pouvant répondre à toutes, ces instants furent mémoriaux. Démontrer, expliquer, traduire, tout cela dans l’excitation des participants et des curieux. La télévision présente diffusera ces images. Que de souvenirs et que de joie.
Le lendemain, les exposés établirent les recherches concernant les arts martiaux, ainsi que leurs conclusions en anglais et en polonais. Entretiens sérieux par des professeurs et docteurs dont les passions pour le combat depuis l’aube des temps sont la résultante de nombreux travaux. Comme quoi les guerriers savent aussi réfléchir et penser. Le lendemain, la personne la plus respectée et respectable de l’université nous fît l’honneur de nous convier à une cérémonie traditionnelle remontant loin dans l’histoire polonaise. Dans un domaine champêtre, les invités et personnalités assistèrent à la récompense d’un professeur qui par ses mérites reçut la médaille d’or pour ses travaux et son dévouement à la cause de l’enseignement. Instant émouvant pour ce monsieur d’un âge respectable. Puis… la surprise… Le professeur CZYNARSKI devant l’assistance, prenant un ton solennel, appela Maître MAROTEAUX.
« Monsieur le professeur Docteur Roland MAROTEAUX,
Pour votre engagement, vos travaux et votre recherche qui influencent encore notre pédagogie, ainsi que vos écrits dont certains figurent dans notre université, j’ai l’immense honneur de vous remettre la médaille d’or de l’université de RZECZOW. » À cet instant émouvant, je pense aux détracteurs du Maître, et la fierté d’être son élève me submerge. Comme j’aimerais voir la tête de tous ceux qui le critiquèrent et qui le critiquent. Je ne savais plus si je devais rire ou verser une larme de circonstance, mais la pensée des agapes et de la vodka qui ne manqueront pas de suivre, me firent rire. Le Maître respectueusement reçut la médaille, puis après un chaleureux remerciement, prit à son tour une feuille de papier, et lisant la conclusion de la réunion des experts de notre école, décora Monsieur le professeur Docteur CZYNARSKI de la médaille d’or. Cérémonie émouvante dans sa simplicité emprunte d’une gravité non feinte. Le repas et la boisson qui firent la réputation des Polonais furent au rendez-vous, et je dois l’avouer, appréciés à leur juste valeur. Le matin suivant, l’avion nous ramenait en France, et je suis sûr que les nombreux guerriers qui firent les campagnes de Pologne quelque fût l’époque ne les trouvèrent pas aussi agréables.